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Le Prix ARTEX 2023 du Public a été décerné à l’œuvre qui a le mieux été capable de fusionner art et science et donner à voir la science des systèmes complexes lors de l’événement éponyme organisé par Institut des Systèmes Complexes de Paris Île-de-France (ISC-PIF) en octobre à Paris.

Ce Prix est offert par les Pépinières Européennes de Création, qui soutient des projets avec une approche transversale entre disciplines utilisant des nouvelles pratiques créatives hybrides.

Bravo à Silvia De Monte, Adrienne Nowak, Marcela Moura, Florestan Labourdette, Pierre Carré et aux participants bénévoles pour cette récompense méritée !

From plankton to human bodies: the dance of interacting types

“Une possibilité est que les interactions complexes entre les espèces soient elles-mêmes moteur du changement dans la composition de la communauté microbienne. “
Emil Mallmin, Arne Traulsen, Silvia De Monte

La performance « From plankton to human bodies: the dance of interacting types » est née de la collaboration entre la scientifique Silvia De Monte (ENS Paris), membre du comité de pilotage de l’ISC-PIF, et les artistes Adrienne Nowak (réalisatrice d’animation), Florestan Labourdette (musicien), Pierre Carré (IRCAM) et Marcela Moura (EASTAP) avec la contribution du collectif Partition Animée.

Ce projet vise à soutenir la création artistique qui communique rigoureusement, avec une capacité de transmission et une créativité artistique, la science des systèmes complexes. À travers la page-vitrine « L’univers systèmes complexes » sur notre site, Adrienne Nowak et Silvia De Monte ont initié une collaboration, à laquelle se sont ensuite joints les artistes qui ont guidé l’atelier de conception de la performance participative.

Le travail de Silvia De Monte, influencé par la physique statistique des systèmes complexes, explore la possibilité que la diversité taxonomique des communautés planctoniques trouve son origine dans l’interaction entre les espèces plutôt que dans les seuls facteurs environnementaux. Son modèle révèle des états émergents et des scénarios potentiels de coexistence des communautés planctoniques, offrant ainsi une nouvelle interprétation des données collectées lors de missions scientifiques (TARA Océans et autres).

À partir de ces recherches, Adrienne Nowak a créé des espèces de plancton imaginaires qu’elle a ensuite animées pour représenter les divers scénarios de coexistence des communautés planctoniques découverts par Silvia De Monte et son équipe.

Par la suite, un atelier de deux jours, dirigé par Marcela Moura pour la danse et Florestan Labourdette et Pierre Carré pour la musique, a permis à un groupe d’amateurs de générer, à travers des règles simples d’improvisation vocale, motrice et rythmique, des phénomènes d’auto-organisation similaires aux scénarios des communautés planctoniques.

Grâce à des techniques interactives d’animation, Adrienne Nowak a pu interagir avec les participants pendant la performance, réagissant à leurs actions et proposant de nouvelles configurations tout au long du spectacle.

 

Le modèle animé et mis en scène

« Depuis toujours les scientifiques se sont émerveillés devant la complexité des écosystèmes et se sont demandés quels pouvaient bien être les processus écologiques qui permettent aux communautés écologiques de rester très diversifiées malgré la compétition pour des ressources communes partagées et finies. »

Depuis la récolte massive de données biologiques et le séquençage génomique de la part de missions comme TARA Océan, les communautés planctoniques sont devenues l’emblème de ce casse-tête de la coexistence dans la compétition, car il a été découvert que ces populations sont composées d’un nombre extrêmement important d’espèces.

Grâce à la récolte de données, il est apparu également clair que la composition en espèce varie énormément d’un endroit à l’autre de l’océan. Néanmoins, toutes ces communautés ont des propriétés communes : chacune est dominée par un petit groupe d’espèces abondantes, accompagnés par un grand nombre d’espèces rares dont les abondances suivent une même loi partout.

Comment alors expliquer ce renouvellement d’espèces abondantes à chaque observations ? Comment rendre compte d’une composition planctonique qui, bien que différente à chaque observation, est remarquablement similaire dans sa structure ?

Le changement des conditions environnementales pourrait être une réponse, mais ce renouvellement a été observé également quand les conditions environnementales ne varient pas de manière importante, comme dans des expériences au laboratoire.

Quels éléments alors pourraient nous dévoiler comment la vie microbienne s’agence dans les grandes étendues océaniques ?

La réponse proposée par Silvia De Monte et ses collègues est simple et fascinante : les interactions même entre espèces sont la clé des changements de composition observés dans les communautés planctoniques.

Grâce à des méthodologies mathématiques et une approche issue de la science des systèmes complexes, les chercheurs ont pu mettre en évidence les dynamiques qui émergent au sein des communautés planctoniques quand les interactions entre espèces sont fortes.

Trois états principaux ont été trouvés en variant la force d’interaction entre espèces.

Un d’entre eux – correspondant à des valeurs d’interaction intermédiaires et hétérogènes – ressemble remarquablement à celui observé chez les communautés planctoniques des océans.

Ces différents états planctoniques ont été animés, mis en scène et incarnés par les participants à la performance From plankton to human bodies: the dance of interacting types.

Article originale : Mallmin E., Traulsen A., De Monte S., Chaotic turnover of rare and abundant species in a strongly interacting model community.

Les concepteurs.trices

Les recherches de Silvia De Monte portent sur la dynamique écologique et évolutive des comportements collectifs, avec des applications aux populations microbiennes.

Physicienne de formation, elle travaille à l’interface de la microbiologie, de l’écologie et de l’évolution à l’Institut de biologie de l’ENS de Paris et à l’Institut Max Planck de biologie évolutive.

Florestan Labourdette est un compositeur et enseignant qui place la musique vocale au cœur de sa pratique musicale. Il est joué par des ensembles vocaux tels que InChorus, Méliades ou Mélo’Men. Au sein de ses pièces, il développe un langage construit sur l’écriture de la résonance et de la vibration, ainsi que sur la recherche permanente d’une puissance rythmique ; il travaille également à partir de musiques traditionnelles. Passionné de cinéma, il compose aussi pour l’image : principalement pour des courts-métrages (Gobelins, EnsAD, Médecins sans frontières) ainsi que pour des « Sons et lumières » (Cathédrale d’Orléans, Théâtre d’Épinal…). Il réalise aussi fréquemment des arrangements vocaux et orchestraux pour tout type de public. En parallèle, il enseigne la Formation Musicale ainsi que l’Écriture aux conservatoires de Versailles et de Viroflay. Il place le développement de la créativité ainsi que le plaisir de faire de la musique au centre de son enseignement. Avec Pierre Carré et Raphaëlle Blin, il a créé l’association Polyphonies Contemporaines qui cherche à promouvoir l’interdisciplinarité artistique à travers l’organisation de conférences d’esthétique, ateliers et concerts.

Née à Varsovie en Pologne, Adrienne Nowak entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs et participe au programme d’échange avec Calarts à Los Angeles. Elle réalise Gusla ou les malins, son premier film professionnel. Puis, en collaboration avec Cécile Rousset et Romain Blanc Tailleur, des épisodes de la websérie L’amour a ses réseaux. Depuis elle explore l’articulation de l’animation avec la danse et la performance.

À la fois mathématicien et musicien, Pierre Carré est titulaire d’un doctorat en Mécanique et Acoustique (Sorbonne Université / UPMC), au cours duquel il développe des méthodes numériques pour la synthèse sonore par modèle physique de phénomènes non linéaires, et de plusieurs prix du CNSMDP en Musicologie, Écriture et Orchestration. Convaincu de la pertinence des échanges entre milieux artistiques et scientifiques, et profondément engagé pour la recherche et la création contemporaine, il mène en parallèle plusieurs activités transdisciplinaires à la frontière de la musique et des mathématiques. Cet intérêt l’a conduit à mener des travaux de recherches autour de la figure de Iannis Xenakis, compositeur, architecte et mathématicien. Après avoir participé à l’exposition pour le centenaire Xenakis à la Philharmonie de Paris, il travaille à l’édition de ses correspondances, et collabore avec la BnF autour du fonds d’archives électroacoustiques du compositeur. Il travaille actuellement à l’IRCAM sur plusieurs collaborations artistiques en tant que Réalisateur en Informatique Musicale et enseigne l’analyse musicale aux étudiants en chant du Conservatoire à Rayonnement Régional de Paris.

Marcela Moura – Docteur en théâtre à la Sorbonne Nouvelle – Paris 3 (Cotutelle avec UNIRIO – RJ) avec la thèse : “Le Processus de Création d’Enrique Diaz ou la Construction de Systèmes Flous”. Proposition d’une vision systémique pour le théâtre. Master et Licence en Théâtre. Licence en Ingénierie de systèmes informatiques. Expériences comme metteure en scène, comédienne et éducatrice. Thèmes de recherche : Danse-théâtre, performance et systèmes complexes.

Le Collectif Partition Animée, fondé par Gustavo Almenara, réalisateur d’animation, et Romain Blanc-Tailleur, réalisateur et compositeur, explore les possibilités qu’offrent le cinéma d’animation et les techniques de vidéomapping dans l’écriture et la composition musicale et chorégraphique.

En développant à la fois un langage de signes animés destiné a diriger des ensembles, un instrument de musique visuelle et une expérience de performances, le collectif s’inscrit dans une démarche de spectacle (Bains numériques d’Enghien, Festival Across, Chapiteau Raj’ganawak…), de collaborations (Jan Schumarer, Ilan Kadouch’s Almost , Stephane Tsapis…) et d’enseignement (CRR de Noisiel, conservatoire de Marne la vallée, école de musique d’Enghien les Bains…).

Plus d’information sur le projet

ETAT I – Équilibre stable à haute diversité

Cet état trouvé à de faibles valeurs d’interaction entre les espèces, correspond à un état où un très grand nombre d’espèces coexistent à l’équilibre dans un même environnement. Chaque espèce, soit-elle mutualiste ou compétitive avec les autres, reste également abondante dans le temps.

Cet état émerge dans la performance comme un état de coexistence pacifique, où rien de remarquable ne se passe et les différents types coexistent car chacun « ignore » les autres.

Chaque espèce dans la communauté a une abondance constante dans le temps.

Animations par Adrienne Nowak de l’état I à haute diversité et faible interaction.

ETAT II – Chaos à haute diversité

Quand les interactions – soient-elles mutualistes ou compétitives – deviennent plus fortes, les communautés planctoniques entrent dans un état, dit chaotique, où un petit groupe d’espèces domine la dynamique dans une alternance perpétuelle d’éclat de croissance. Dans le même temps, une myriade d’espèces rares coexistent dans la communauté et, par moment, envahissent le groupe d’espèces dominantes en le devenant à leur tour.

Cet état chaotique pourrait être confondu lors des observations océanographiques avec une alternance aléatoire entre espèces, mais il est en réalité un état structurellement différent.

Il s’agit en effet d’un état qui contient dans sa structure un grand nombre d’états possibles qui sont « visités » et donc observables seulement pour une durée limitée.

Cette structure interne, qui permet l’alternance observée entre espèces dominantes, donne à la distribution des possibles compositions des communautés planctoniques une forme très spécifique.

Cette forme spécifique est observée dans les données des communautés planctoniques prélevées dans les océans, en suggérant donc que les dynamiques planctoniques observées sont généreés essentiellement par les interactions mêmes entre les différentes espèces.

Il s’agit donc d’un cas qui met en lumière de manière exemplaire l’importance de l’approche systèmes complexes dans l’interprétation des comportements de communautés d’un grand nombre d’individus en interaction.

Dans cet état, les performateurs interagissent entre eux en formant des structures rythmiques et vocales variées, qui évoluent en permanence.

Un nombre limité d’espèces abondantes s’alterne dans la communauté au cours du temps.

Comparaison entre modèle et données pour la distribution des abondances des espèces dans les communautés planctoniques.

Animations par Adrienne Nowak de l’état II à haute diversité et interaction modérée.

ETAT I – Exclusion compétitive

Quand les interactions sont fortement compétitives, seulement une ou un petit nombre d’espèces domine la communauté de manière constante dans le temps.

Dans la performance, un état de monotonie sonore et d’immobilité progressive s’instaure.

A forte interaction une seule espèce domine la communauté.

Animations par Adrienne Nowak de l’état III où la domination d’une espèce s’instaure dans la communauté.

Institut des Systèmes Complexes de Paris Île-de-France

Crée en 2005, L’ISC-PIF est une unité de service et de recherche du CNRS dédiée au développement inter-institutionnel et inter-disciplinaire de la recherche sur les systèmes complexes. A la fois laboratoire de recherche, pépinière à projets, centre de ressources mutualisées, centre de conférences et espace de co-working académique, ce tiers-lieux scientifique met à disposition des chercheur.se.s un environnement de recherche dynamique et des outils innovants basés sur le big data et le high performance computing.

Un tiers lieu scientifique

  • Mutualisé

Les scientifiques qui étudient les systèmes complexes sont confrontés chaque jour à de nombreux défis théoriques, méthodologiques et technologiques. L’ISC-PIF fait le pari qu’une intensification des collaborations entre chercheurs et chercheuses de différentes disciplines permettra de relever ces défis. C’est pourquoi nous proposons la mutualisation des moyens techniques et des infrastructures à l’échelle de la communauté scientifique, et encourageons l’utilisation de logiciels libres et ouverts ainsi que le partage des données, des publications et des pratiques de reproductibilité.

  • Innovant

La compréhension des systèmes complexes requiert des ressources spécifiques pour leur modélisation, leur simulation ainsi que pour l’analyse de masse de données. L’ISC-PIF propose aux résident.e.s et scientifiques affiliés à ses partenaires plusieurs dispositifs permettant d’abaisser ces barrières technologiques :Infrastructures + Plateformes et logiciels (calcul intensif, calcul distribué, stockage et fouille de masses de données) + Calcul Haute Performance (Grille et Cloud).

  • Inter-Institutionnel

L’ISC-PIF est au cœur d’un projet scientifique reconnu par la Région Île-de-France comme un Domaine d’Intérêt Majeur (DIM) et soutenu par la Ville de Paris.

Cette unité du CNRS (UPS3611) regroupe plusieurs partenaires institutionnels parmi les plus importants en France : CEA, EHESS, EPHE, ESPCI, INRAE, INSERM, IGN, Institut Curie, Institut Mines Télécom, MNHN, Université de Cergy-Pontoise, Université de Paris Diderot, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne, Sorbonne Université.

Missions et services

L’ISC-PIF a pour mission de développer des méthodes et outils transversaux pour mieux comprendre et maîtriser les systèmes complexes. Il structure et anime une communauté interdisciplinaire et inter-institutionnelle de recherche à travers trois axes stratégiques : dynamiser la recherche, abaisser les barrières technologiques, échanger avec un large public

Infos

  • 13.10.2023 | 14 > 23:00
  • TOTEM
  • 11, Place Nationale 75013, Paris
  • Gratuit
  • iscpif.fr/artex

Production