Depuis son enfance, le Maroc est un pays qui a toujours occupé une place spéciale dans le cœur de Fred Chemama, où il a d’ailleurs également fait une partie de ses études. Après le séisme dévastateur, causant des ravages, des destructions et surtout la perte tragique de milliers de vies, l’artiste a souhaité retrouver ce pays qu’il aime profondément et apporter son soutien, aussi humblement que ses compétences et ressources le permettent.
J’ai senti un déracinement non-choisi de ces populations qui mʼinterpelle en tant que déraciné moi-même.
Il a pensé à proposer ses services comme conducteur pour déplacer des personnes ou des objets d’un endroit à un autre à travers le pays ou contribuer à la préparation et à la distribution de repas, ainsi qu’apporter son aide aux organisations ou associations locales, selon leurs besoins et leurs orientations. Néanmoins, conscient qu’il n’a pas de véritable compétences face à l’ampleur de la solidarité et de l’entraide actuellement déployées sur l’ensemble du territoire, il a également envisager d’offrir un soutien lié directement à sa pratique artistique.
Il a donc élaborer un projet qui a pour ambition de créer ou re-créer du lien social entre personnes déplacées, dans des villages ou quartiers quʼils découvrent depuis leur migration forcée par la catastrophe du 09 septembre. Cette première résidence lui permettra de développer ce dernier.
Lʼidée première est de mettre en lumière, concrètement -via lʼutilisation dʼune installation vidéo interactive en temps réel : la « Fōz machine »- des couples, des familles, des parents, des enfants devant la façade de leur « nouvelle maison » ou lieu de vie provisoire. Lors de ces illuminations, lʼimage de ces personnes fusionnent avec lʼarchitecture de ce nouvel habitat.
Il sʼagit dʼune réflexion sur les conditions de vies de ces personnes et des liens qui les unissent à leur territoire ; leur maison en particulier. J’aimerais aussi retourner sur les lieux de vie quʼils ont quittés, pour y faire un autre portrait et recueillir leur voix, leur image devant ces habitats stigmatisés, partiellement ou totalement détruits. Tenter ainsi de participer à un processus de guérison par lʼaction poétique, symbolique.
Cʼest aussi un questionnement sur la place que lʼart et les processus artistiques peuvent avoir dans les vies de ceux qui nʼy ont généralement pas accès. Un remise en question, des habitudes hermétiques et de lʼentre-soi, de ce monde, qui provoque cette inaccessibilité pour ceux qui en sont – volontairement ou non – écartés.
Fred Chemama (Fr/Be)
Photographe, vidéaste et artiste multimédia, Fred Chemama alias 眯腊 (mira) est un artiste pluridisciplinaire qui a étudié la réalisation audiovisuelle à l’ESRA Maroc et la photographie en France. Il vit et travaille aujourd’hui entre la Belgique, la France et ses voyages qui le mènent à la rencontre d’autres artistes et structures culturelles en Europe et ailleurs.
En dernière année de son cursus scolaire, il part au Mexique pour réaliser une série de portraits sous-marins de pêcheurs de l’état de Oaxaca avec une chambre de reportage et un caisson étanche original. Ces portraits sont aujourd’hui immergés dans des caissons lumineux où ils se décomposent dans l’eau, depuis plusieurs années. Il réalise au fil des années des autoportraits en pose longue.
L’action, la rencontre et la mise en abîme des procédés de capture de l’image tirée du réel sont au centre de sa démarche. Ce qui l’emmène notamment à adopter une posture parfois iconoclaste et à réaliser des installations éphémères in-situ à l’aide de rubans encreurs usagés issus de concessions de photos-souvenirs.
L’action préméditée, effectuée à plusieurs et l’exploration des divers processus de production d’images « tirées du réel », sont au centre de sa démarche initiale, qui tend déjà à mettre en doute l’autorité de l’image photographique en tant que vecteur d’information et à en faire ce qu’il ressent vraiment : un prétexte à la réunion poétique des personnes.
Aujourd’hui, 眯腊 continue de mener des expériences à la lisière de la photographie, de la vidéo et des arts numériques ; d’explorer les domaines du corps, de la lumière, du mouvement, de la situation et du lieu dans une démarche liée à l’action corporelle.
Ces derniers projet d'installations interactives ("cyclo-kino", le "Gestographe", la "Fōz machine"...) mêlent les disciplines, les médiums et les transcendent dans des dispositifs ludiques et intriguants.
Infos
- 28.11 > 12.12.2023
- Moukhtab’Art
- 6 rue Benghazi hassan 10000 Rabat, Maroc
- facebook.com/Moukhtabart
Production
- Moukhtab’Art
- Avec le soutien de Transcultures, les Pépinières Européennes de Création, le WBI
- La « Fōz machine » a été produite avec le soutien de Transcultures et de la Fédération Wallonie-Bruxelles (arts numériques)