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Text & Image #6 /// Pour un nouveau contrat social de l’errance : entre Art[S], Territoire[S], Blockchain[S] et Crypto-monnaie[S]

Ce colloque International est un prolongement naturel du colloque “L’Art et les Cartographies Sensibles“ prévu initialement en mai 2020 et annulé à cause de la pandémie. Philippe Franck interviendra dans le forum autour de la notion d’in situationisme transculturel.

Matthieu Quiniou écrit : “La technologie blockchain permet l’horodatage, ou plus précisément un estampillage certifié de transactions, d’opérations et d’évènements dans un registre distribué. Dans ce système, une instance centrale d’administration ne peut être suspectée d’avoir altéré une information ou changé une date. Il est ainsi possible d’horodater une œuvre pour prouver une antériorité sans en divulguer le contenu. Dans la même logique, il est possible d’utiliser la blockchain pour prouver l’existence antérieure d’un savoir-faire secret ou d’un secret d’affaires, remplir la condition liée aux mesures de protection et gérer des droits d’accès. La blockchain et plus spécifiquement les smartcontracts, c’est-à-dire des scripts autonomes fonctionnant sur blockchain, peuvent également être efficaces pour la gestion transparente et automatisée des droits de propriété intellectuelle et la fluidification du marché de ces droits grâce à la tokenisation, c’est-à-dire la titrisation modulaire par blockchain“. (Entretien IPOCAMP Lexis Nexis, 2020) Il précise également dans son livre “Blockchain : L’avènement de la désintermédiation ?“ (-! 2019, publié en français aux Editions ISTE et en anglais aux Editions Wiley !-), p.74 “Blockchain et Internet des objets devraient par leur jonction produire des usages et permettre aux objets connectés d’interagir entre eux sans tiers (humains ou plateformes) et de manière sécurisée“.

Il serait donc peut-être judicieux Au Jour du i — au jour d’une information constituant l’essentiel de nos rapports sociaux, économiques et politiques — de ®-INTERPRÉTER nos relations au secret (-! bancaire, artistique, fictionnel !-) à l’aune de ces relations frictionnelles entretenues depuis toujours avec les transactions financières et l’argent. Et pourquoi, à cet effet, ne pas ®-LIRE les blancs entre les mots de livre de Stéphane Mallarmé “Un coup de dé jamais n’abolira le hasard“ (-! 1914 !-) à partir des études de Quentin Meillassoux et de son livre « Le Nombre et la Sirène“ où il nous livre un scoop décisif concernant la pensée de Mallarmé. “De quoi s’agit-il ? Quentin Meillassoux a découvert que le grand poème testamentaire de Mallarmé, « Jamais un coup de dés n’abolira le hasard », est en fait codé. Et que le code n’est autre que 707. Le philosophe démontre que ce nombre est présent dans ce poème si difficile sous la forme d’une charade : les deux comme si, étant à entendre comme la septième note de la gamme, encadrent le proche tourbillon que représente idéalement le ‘0‘. Le code est également présent dans le compte même des mots : le poème déployant 707 mots jusqu’au verbe sacre, est complété par une morale de sept mots : Toute pensée est un coup de dés“. (-! Philosophie Magazine N°53, Octobre 2011 !-)

À partir de ces questionnements, il y aurait donc nécessairement dans cette recherche d’un nouveau contrat social, l’i+D d’un proche tourbillon ®-CONSTRUIT à partir d’une errance de la forme et du code ; ce dispositif d’enchaînement de l’in/visible (-! c’est-à-dire posté au seuil du visible !-) engendrant stratégiquement dans / autour des Arts et de manière interdisciplinaire, une nouvelle fonction, une nouvelle résonance du texte avec l’image.

Ouverture du Colloque International par Mme Brigitte Curmi, Ambassadrice de France à Malte. Madame l’Ambassadrice interviendra sur les enjeux autour des blockchains et de la crypto-monnaie qui prennent de plus en plus d’importance… Présentation des enjeux du colloque TEXTE & IMAGE 6 par Marc Veyrat / Richard Spiteri / Khaldoun Zreik / Nasreddine Bouhaï.

Comité scientifique
  • Carole Brandon (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Marc Veyrat (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Richard Spiteri (University of Malta)
  • Ghislaine Chabert (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Jacques Ibanez-Bueno (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Khaldoun Zreik (Université Paris
  • Ghislaine Azémard (Chaire UNESCO / ITEN)
  • Patrizia Laudati (Université Les Hauts de France Valenciennes)
  • Pedro Andrade (Universidade do Minho Braga)
  • Nasreddine Bouhaï (Université Paris)
Intervenants
 
Matthieu Quiniou (+Salar Shahna) | Jeux + enjeux de la jonction art numérique + blockchain

La blockchain permet de restructurer le marché de l’art dans l’économie numérique et ouvre de nouvelles opportunités pour les artistes numériques et les artistes de l’éphémère. La blockchain, tout particulièrement les jetons non-fongibles permettent de créer des marqueurs de rareté pour des œuvres ne bénéficiant pas d’un support matériel et ainsi de les rendre collectionnables et plus facilement échangeables sur le marché de l’art.
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Au-delà des enjeux pour le marché de l’art numérique, la blockchain est devenue un terrain de jeu et de nouvelles expériences créatives pour les artistes travaillant sur la relation entre les mondes physique et virtuel, sur le rapport de l’œuvre à sa rareté ou sa monétisation, sur les œuvres programmables ou encore sur le rapport entretenu entre le spectateur à la symbolique de l’œuvre.
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L’intervention sera l’occasion d’expliquer les fonctionnalités de la blockchain comme outil pour l’artiste dans la protection de sa création et sa monétisation et de présenter plusieurs œuvres exploitant le potentiel de cette technologie de manière originale.

Matthieu Quiniou est MCF en SIC à l’Université Paris 8, Docteur en droit et Avocat au Barreau de Paris, il est membre du Laboratoire CiTu – Paragraphe et Chercheur Associé à la Chaire UNESCO – ITEN (Université Paris 8 / FMSH). Il travaille sur les enjeux éthiques, juridiques, sociétaux et artistiques du numérique liés à la blockchain et à l’intelligence artificielle et participe au projet i-REAL.
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Salar Shahna est directeur du World XR Forum à Crans-Montana (CH) qu’il a fondé en 2016 (World VR Forum puis World XR Forum en 2019). Réalisateur de films VR, de films documentaires et de fictions, il dirige également la société de production Dirty Bacon.

Marc Veyrat I Matthieu Quiniou I Khaldoun Zreik | Blockchain: What Else?

La technologie blockchain au service de l’Art, l’exemple du projet [AMZ]U-P

L’acte d’appropriation est avant tout une information socio-juridique. C’est à la fois une reconnaissance sociale et une protection juridique. Alors que pouvoir posséder est une information économico-juridique. Complétude, véracité, vérifiabilité et discrétion sont des conditions nécessaires pour valider un acte d’appropriation. Contrairement aux idées reçues, la multiplicité des intermédiaires gérant une telle information augmente à la fois sa vulnérabilité juridico-économique (authenticité) et la complexité de sa gestion et conservation. Ces vulnérabilités souvent implicites ou non dites, affectent sérieusement les transactions, surtout sur l’espace numérique, et les acquisitions de biens immatériels tels que les œuvres d’art numérique dont le modèle économique penne depuis leur existence officielle (début des années 60, réf Bernard Caillaud). La difficulté majeure réside dans la définition de l’acte d’appropriation d’une œuvre numérique, de son authenticité et de son unicité. Cette complexité est due au nombre élevé d’intermédiaires hétérogènes…

Khaldoun Zreik est Professeur en Sciences de l’Information et de la Communication, Université Paris 8 / Directeur du Département Hypermédia (UFR MITSIC), Université Paris 8 / Responsable scientifique du Groupe de recherche CITU- Paragraphe (Cybermedia, Interactions, Transdisciplinarité & Ubiquitous), Laboratoire Paragraphe, University of Paris 8 / Co-directeur du Master NET (Numérique : Enjeux et Technologies):, University Paris 8 / Président du comité directeur du GIS H2H.Lab / Président de la commission pédagogique de l’UFR MITSIC / Co-rédacteur en chef de la revue RIHM (Revue des Interactions Humaine Médiatisées), Ed. Europia., Paris / Co-rédacteur en chef de la revue IJDST (International Journal of Design Sciences and Technology), Ed. Europia, Paris…
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Marc Veyrat est Artiste / Maître de Conférence en Sciences de l’Art et Directeur du Département Communication Hypermédia à l’Université Savoie Mont-Blanc / Chercheur Associé à la Chaire UNESCO – ITEN (Université Paris 8 / FMSH) et membre de CiTu – Paragraphe (Université Paris avec lequel il développe actuellement le projet i-REAL (89/92 R&D / Pixelpirate / Transcultures…)

 
Richard Spiteri | Philippe Sollers / Origines et répercussions du secret.

Philippe Sollers raconte, selon son point de vue, l’envers de l’histoire néo-contemporaine. Sous le couvert d’échanges internationaux se déchaîne la criminalité : trafic de drogues, trafic humain, etc. Parfois la criminalité, propulsée par des desseins politiques sinistres, fait irruption dans l’actualité, de manière spectaculaire, comme ce fut le cas de la tentative d’assassinat contre le pape Jean-Paul II.
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L’auteur expose le nihilisme de l’Occident. L’origine de la vie s’enveloppe dans un mystère tandis que, dans des cliniques aujourd’hui, les médecins, au moyen de leurs expériences, profanent le secret de la création. Malgré l’omniprésence des magnats de la finance et des chefs d’État, l’auteur est persuadé que le vrai enjeu de notre existence est spirituel. Dès l’aube de la civilisation, une guerre secrète a lieu qui réduit l’ennemi à l’impuissance.

Richard Spiteri est Professeur dans le Département de Littérature Française de l’Université de Malte. Co-Fondateur du cycle de colloques TEXTE & IMAGE, il participe activement depuis 2011 à son rayonnement international.

 
Jacques Ibanez-Bueno |Interactions user equipped with a helmet and the interactive contents proposed

À partir d’œuvres artistiques en réalité virtuelle, il s’agit de questionner ici les caractéristiques des interactions entre l’usager muni d’un casque et les contenus interactifs proposés. Les cas réels choisis et observés sont des situations où les artistes et designers numériques se sont inspirés de la peinture figurative. Cette source d’inspiration permet d’élaborer d’autant plus facilement une relecture de concepts phénoménologiques, eux-mêmes appliqués initialement à la peinture (Merleau-Ponty : 1964).

Jacques Ibanez Bueno est professeur titulaire au Département Communication et Hypermédia – Groupe de Recherche LLSETI – Université Savoie Mont-Blanc. Il a été chercheur invité à l’Université du Texas du Nord, professeur associé à l’Université de Bourgogne et professeur assistant à la Suisse – Faculté d’éducation et de psychologie, Université de Genève. Il travaille sur les méthodes visuelles et hypermédia, la sémiotique appliquée à la communication interactive et les implications corporelles dans les processus de communication. 

 
Hammou Fadili | Vers une approche d’intégration de l’IA, du Deep Learning et de la Blockchain dans le jeu i-REAL.

Dans cette communication puis dans l’article final, nous proposerons une description de l’état de réflexion et d’avancement d’un projet de mise à jour et d’actualisation du jeu i-REAL. Le but est de mettre en place une nouvelle version des règles du jeu intégrant l’IA, le Deep Learning et la Blockchain. Grâce à ces technologies, des modèles d’analyse et d’interprétation des données multimodales relatives aux cartes taguées seront mis en place pour reconnaitre et découvrir les clés du coffre dispersées dans les images et les textes associés permettant d’ouvrir des portefeuilles en crypto-monnaie, d’une part, et d’autre part, pour générer des éléments cohérents des mondes en VR en fonction des profils utilisateurs (joueurs).

Hammou Fadili est intégré au Pôle Recherche de la FMSH, Fondation Maison Sciences de l’Homme, Paris / Equipe CiTu – Paragraphe de Paris 8

 
Anaïs Bernard | Errance et résilience, l'invisibilité rendue visible.

La trace émerge dans l’espace, mais également dans le temps, débutant une histoire. Elle est le témoin d’un moment écoulé, qui n’est plus. La trace apparaît comme la base indispensable à la construction de l’histoire, de toute histoire. A travers des œuvres contemporaines, nous errerons sur les traces de l’invisible rendue visible, comme acte de résilience.

Anaïs Bernard est Maître de Conférence en Sciences de l’Art à l’Université Catholique d’Angers (UCO)

 
Philippe Franck | Alter audio nomadisme et in situationisme créatifs

A partir de l’expérience pionnière de Transcultures, Centre interdisciplinaire des cultures numériques et sonores et du festival international des arts sonores City Sonic qu’il a créé en Belgique, ainsi que du réseau d’arts contemporains des Pépinières européennes de Création qu’il dirige, Philippe Franck analyse certaines pratiques créatives nomades contextuelles (notamment à partir de la notion de parcours) récentes avec le son et le numérique en trait d’union dynamique entre des (non)lieux, (dé-re)territorialisations, (micro)communautés et (in)disciplines. Il trace les traits principaux d’une forme d’in situationisme transculturel, un art de la dérive connectée, engagé dans son intime singularité et un certain (ré)enchantement poétique des relations topos/logos/tekhnè, à l’inverse des modèles hyper spectaculaires dominants.

Historien de l’art, concepteur et critique culturel, producteur, créateur sonore et intermédiatique, Philippe Franck est directeur/fondateur de Transcultures, Centre des cultures numériques et sonores (Mons, Belgique), du festival international des arts sonores City Sonic (depuis 2003) et des Transnumériques, biennale des cultures numériques (depuis 2005). Il a été commissaire artistique de nombreuses autres manifestations d’arts contemporains, audio, hybrides et numériques en Europe et à l’international. Depuis 2018, il est également directeur des Pépinières européennes de Création.
Par ailleurs, il enseigne également les arts numériques et l’analyse des médias et multimédias à l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc (Bruxelles) et la création sonore à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles et à l’Ecole Supérieure des Arts Visuels de Mons Arts2.

 
Nadia Kaaouas & Sabrina Mazigh | Le tatouage 'ethno-culture' à l’ère numérique

Nous proposons de définir la notion d’ethno-culture en tant que projection symbolique et sémiologique des caractéristiques du /des tatouages notamment de ses conceptions patrimoniales culturelles. Le tatouage s’inscrit dans le cadre de pratiques socioculturelles et rituelles ancestrales. De manière plus générale, les ornements et les motifs des parties corporelles, des objets « ethniques » sont des images métaphoriques de l’univers tel qu’il a été imaginé par les ancêtres. La forme, le système de proportions et le choix des matériaux sont ainsi constitutifs d’images ethnoculturelles créées en lien avec une pensée mythologique. Les tatouages ethniques sont alors vus comme porteurs des propriétés suivantes : figurer un message marqué par la subjectivité de l’artisan, devenir une projection symbolique de la cosmogonie et donner des pouvoirs spéciaux et des connaissances au porteur du symbole dessiné ou tatoué. Ces formes, ces dessins, ces tatouages sont revalorisés dans le cadre de leur mise en relation avec les humanités numériques. Ces images et symboles « ethniques » étroitement liés aux représentations traditionnelles, culturelles sont utilisés autrement à travers une médiation numérique (réseaux sociaux) alliant image et texte pour une mise en valeur de la culture patrimoniale berbère.
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Si le tatouage est une forme de lien au sein d’une société, il doit traduire le sens de ce lien, au confluent de la culture e et du social, de la culture et de l’art. Doit-on en conclure que chaque génération est reliée par le même mode de vie ? de symboles ? Les profondes mutations liées aux humanités numériques ont également impacté l’activité des tatoueurs « praticiens » et des tatoués). Ces derniers peuvent en effet s’appuyer sur des procédés où le numérique occupe une place importante, par exemple lorsqu’est réalisée une impression par laser, dimensions 3D, etc. Le numérique est utilisé dans le design et la production de nouvelles formes et images dont la dimension ethnique est liée à l’identité berbère.
Mots-clés : tatouage, approche ethnoculturelle, réseaux sociaux, image et symbole ; humanités numérique.

Nadia Kaaouas est Professeur Associé à l’Université Hassan II de Casablanca où elle organise fin 2011 le colloque HyperHéritage 7 en partenariat avec l’Université Paris 8.
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Sabrina Mazigh est doctorante à l’Université Hassan II de Casablanca et à l’Université Paris 8 dans le Laboratoire CiTu – Paragraphe.

 
Gaëtan Le Coarer | 'Ce qui reste' : Elliptic Spaces in Malta.

Comme à la fin du 1er épisode e la saison 1 de Leftovers, est-ce que les signatures du vivant, leur présence au monde – en interférences avec la machine qui produit ses usages – ne seraient que les ‘restes’ in/visibles de ces corps qui émergent du Noir ?-)

Gaëtan Le Coarer est Doctorant en Sciences de l’Information et de la Communication & Sciences de l’Art à l’Université Savoie Mont-Blanc, dans le Laboratoire LLSETI. Sa thèse “Bande Dessinée et Réalité Mixte, vers de nouveaux espaces de narration“ est réalisée sous la direction de Ghislaine Chabert et Marc Veyrat. Au travers d’une méthodologie de recherche création et sur l’étude des usages, il conçoit un projet de narration interactive en réalité mixte (XR) intitulée AN DOMHAN.

 
Argumentaire et questions

A l’instar de la photographie, le cinématographe ou la vidéo, les casques de réalité virtuelle et les téléphones portables transforment nos pratiques courantes autant que la manière de percevoir le monde. Leurs couplages désormais possibles avec l’ordinateur et internet accélèrent les démultiplications de nouveaux espaces à expérimenter, imaginables en temps réel et modulables. L’hybridation spatio-temporelle, annoncée en 1998 par Edmond Couchot au tout début de l’émergence de cet art nommé étrangement technologique (comme si il se réduisait à une question de technicité et de médium) semble fonder les spécificités des relations espaces-temps résolument nouvelles que proposent les dispositifs connectés.
Les expérimentations et innovations actuelles ont l’intérêt primordial d’être présents dans tous les domaines de la société permettant d’acquérir des quantités impressionnantes de données, de manipuler des informations instantanément, une manière de s’emparer du monde à 360°, d’agir au coeur de la matière et de voyager dans des univers jusqu’alors inaccessibles et inconcevables.

Dans le même temps, nous nous heurtons à plusieurs phénomènes : le premier est d’abord une non appropriation de ces technologies XR (extended realities XR ou extented reality désigne l’ensemble des environnements combinant le virtuel, le numérique et le matériel généré par des technologies) par les usagers, dont le manque d’intérêt provient du fait de cantonner les fonctions et buts de ces casques immersifs aux jeux vidéos, auréolés en plus, d’une croyance liée à la complexité de la technique. Le deuxième est ce stockage massif de données (comme les débuts de la photographie ou du CD-Rom) dont nous produisons plus facilement des répertoires quantitatifs voire des éléments de surveillance, sans parvenir à scénariser et rendre accessible ces matériaux qualitativement.
Et puis, comme l’écrit très justement Jean Baudrillard, « la simulation part à l’inverse de l’utopie du principe d’équivalence, part de la négation radicale du signe comme valeur, part du signe comme réversion et mise à mort de toute référence. » (Baudrillard, 1981)
Par peur d’un éloignement et bouleversement de nos référents, la réalité virtuelle semble se cantonner justement à hypertrophier nos repères habituels, une hyperréalité pour ne pas nous perdre. Les modélisations se piègent dans les affres de la ressemblance, réduisant les potentiels à un décalquage hyperréaliste du monde. Les espaces proposés renforcent les représentations et « le réel est déjà mort mais ressuscité d’avance. » (Baudrillard, 1981)

Si les réalités mixtes se destinent principalement aujourd’hui à des usages marketing pour animer nos expériences individuelles et spectaculaires dans les lieux de loisirs ou des magasins, alimentant ainsi la smart surveillance, elles permettent également de réinventer nos habitudes spatiales et corporelles par d’étonnantes et inédites expériences ;
Justement, elles nous intéressent ici dans leurs spécificités spatiales, de leur définition première en 1994, d’être « n’importe quel endroit se situant entre les extrêmes du continuum de virtualité » (Milgram, Kishino, 1994). Comme le précise J.-F. Lucas, « Il y aurait donc, entre l’environnement réel d’un côté et l’environnement virtuel de l’autre, un continuum d’états intermédiaires que ces auteurs englobent sous le terme de réalité mixte. Contrairement aux autres définitions, la réalité mixte ne fait pas référence à un état spécifique ou même à un dispositif précis, mais à un ensemble de possibles.» (Lucas, 2012)
Cet ensemble de possibles qualifie autant l’expérience individuelle que l’hybridation de zones hétérogènes dans un continuum sans fin. Cette dilatation d’espaces-temps ouvre la scission propre à Didi-Huberman où écrit-il agissent les figurabilités, « nous comprenons que le défaut, la déchirure, fonctionne dans le rêve comme le moteur même de quelque chose qui serait entre le désir et la contrainte – le désir contraignant de figurer. Figurer malgré tout donc forcer, donc déchirer. Et, dans ce mouvement contraignant, la déchirure ouvre la figure, à tous les sens que pourra prendre ce verbe. Elle devient comme le principe et l’énergie même – suscités par l’effet de déchirure, à savoir l’absence – du travail de figurabilité. » (Didi-Huberman, 1990).

Nous interrogerons avec les réalités mixtes, cet entre-espace dans leurs possibilités de rendre visible les fonctionnements des dispositifs, dont la cartographie n’est paradoxalement plus la représentation d’un territoire mais bien le résultat d’une expérience vécue au sein du dispositif.

Ce que Marc Veyrat nomme eSPACE à la fois lieu hybride et nouveau territoire, un entre-espace constitué d’une infinité d’espaces à réalités mixtes. La particularité de l’eSPACE (au delà de son écriture même qui propose bien un point de scission dans des emboitements) demeure les stratifications, parce que « la réalité mixte forme un composite spatial fait de l’hybridation d’un espace physique et numérique. L’espace de la réalité mixte n’est pas l’addition d’un espace physique et d’un espace digital, mais le vortex qui nait des flux interactionnels générés par les rencontres entre individus. » (Lucas, 2012).

En agissant dans le dispositif, les révélations spatio-temporelles, seraient un mélange possible justement entre l’espace comme région d’intimité (du dedans) et les espaces d’hostilités, pour reprendre Gaston Bachelard. L’entre-deux proposerait une appartenance affective aux deux en investissant le sujet. Michel Foucault l’analyse comme espace extérieur et localisable (du dehors) qui ne s’oppose pas mais neutralise les hétérotopies : « Nous sommes à un moment où le monde s’éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau ». (Foucault, 1967)
Ces espaces relationnels seraient ainsi uniquement visibles et expérimentables dans un contexte particulier à réalités mixtes, dont l’oeuvre dévoilerait le fonctionnement et les mises en liens sous forme de cartographies particulières, que nous nommons sensibles parce qu’« il existe pourtant une conjonction de paramètres sociaux, esthétiques, neuroscientifiques et anthropologiques, qui laisse espérer, au contraire, que l’expérience sensorielle au travers des casques de réalité virtuelle sera à même de bouleverser […] la hiérarchie des sens telle qu’elle prédomine dans les civilisations occidentales » (Tsaï, 2016).

C’est justement sur ces modalités de création et utilisation de données ainsi que sur des propositions scénarisées de mises en relations inédites, que nous souhaitons interroger des espaces et lieux hétérotopiques (des lieux dont le but est de faire communiquer des espaces) et hétérochroniques comme certains espaces publics, des musées, des sites patrimoniaux et ici à Chambéry le Musée (jardin et maison) des Charmettes. Désormais intouchables, certains sites ou espaces publics semblent figés, garant et témoin de leurs histoires (dans tous les sens du terme). Ainsi, les réalités mixtes permettent-elles de questionner, détourner, ouvrir ces lieux protégés, marqués entre temps et espaces.
Parce qu’aujourd’hui si les expériences à réalités mixtes sont proposées par des musées (les japonais TeamLab ou l’immensité des peintures de Vincent Van Gogh au Grand Hall de la Villette à Paris, The Rain Room au County Museum of Art de Los Angeles, l’Infinity Mirror Room de Yayoi Kusama au Victoria Miro Museum de Londres pour ne citer qu’eux, elles demeurent spectaculaires et plus proches de productions de loisirs que de démarche artistique. En effet, “il ne s’agit pas nécessairement de nous proposer une « image » du monde telle que l’artiste le verrait—mieux ou de manière plus sensible—, mais de nous donner peut-être l’occasion effective d’expérimenter cette « vision » du monde qui nous entoure.” (Beaufort, 2007)

Questions

Comment interroger les potentiels d’extension et de mises en application d’expériences de dispositifs hybrides à partir de l’art ? Activant, à elles seules, des cartographies impossibles à obtenir autrement, comment des oeuvres dévoilent de nouvelles perceptions de ces lieux et comment rejouent-elles les rôles des interfaces. Nous défendrons l’hybridation d’espaces-temps visibles sous forme de cartographies sensibles, voire sensorielles non pas comme représentations mathématiques ou quantitatives des mouvements et vagabondages lors de l’expérience, mais au contraire à travers la possibilité de rendre visible des liens, des contenus, des systèmes, des espaces, des données, des formes, l’Autre… créés lors de ces expériences.

“Nous avons besoin d’une métrique topologique qui envisage une substance sociale du monde dont la trame de base soit capable d’enregistrer les transformations des rapports entre les acteurs. L’expérimentation vise donc à restituer cartographiquement une spatialité sociétale, c’est-à-dire un monde non plus constitué par la terre, les mers, les continents, les États…, mais par des êtres humains, par des collectivités, qui métamorphosent les éléments d’immanence en espace habité”. (Sloterdijk, 2005)

Alors, ces cartographies ne seront plus désormais la représentation d’un monde mais la révélation d’un fonctionnement, révélant aux usagers en temps réel une tout autre manière de concevoir, anticiper, élaborer ces espaces avec de toutes nouvelles capacités d’appréhension.

Ainsi, nous souhaiterions aborder ces cartographies sensibles et les rôles des interfaces par 3 axes : comment rendre compte d’une expérience entre lieu physique et dispositifs à réalités mixtes par :

  • valorisation et proposition de nouveaux usages et potentiels des réalités mixtes face à des organisation spatiales et lieux architecturaux difficilement exploitables car protégés, invisibilisés ou au contraire hypermédiatisés
  • importance des scénarisations des données et des rôles de la fiction dans les dispositifs à réalités mixtes
  • nécessité de prendre en compte nos corps en présence et nos réactions émotionnelles où les spectateur.trice.s repensent et accèdent à la compréhension de leur environnement en temps réel en le construisant :
    • d’abord par la modélisation virtuelle d’espaces élaborés à partir de leurs déplacements (du portable à la motion capture en passant par l’hologramme par exemple)
    • ensuite par l’appropriabilité et l’enrichissement des contenus dont seuls des univers virtuels et des technologies inventives donneraient accès.

Carole Brandon / 2019

Infos

Production

  • Ce colloque est organisé par l’Université Savoie Mont-Blanc / le Laboratoire LLSETI, l’Université Paris 8 / le Laboratoire CiTu – Paragraphe et EUR Artec, l’University of Malta
  • Avec le soutien de / en partenariat avec 89/92, Pixelpirate, la Société i Matériel, Nymphea’s Survey, le Département Communication Hypermédia – USMB / Transcultures – Pépinières Européennes de Création