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Le Laboratoire LLSETI (Axe 2 Texte Image & Arts Numériques – Université Savoie Mont-Blanc), avec ses partenaires (dont Transcultures et les Pépinières Européennes de Création), lance un appel à articles dans le cadre de l’événement L’Art et les Cartographies sensibles : la question des interfaces dans les réalités mixtes (initié par Carole Brandon et Marc Veyrat).

Cet événement, associé initialement à un workshop au Musée des Beaux Arts/Les Charmettes, à Chambéry et à la Nuit Européenne des Musées, a été modifié au vu des circonstances liées à la pandémie du Covid 19 et donnera désormais lieu à une publication aux Presses de l’Université Savoie Mont-Blanc.

Date limite d’envoi : 17 juillet 2020 (minuit, heure de Paris)

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Appel à articles – Argumentaire

A l’instar de la photographie, le cinématographe ou la vidéo, les casques de réalité virtuelle et les téléphones portables transforment nos pratiques courantes autant que la manière de percevoir le monde. Leurs couplages désormais possibles avec l’ordinateur et internet accélèrent les démultiplications de nouveaux espaces à expérimenter, imaginables en temps réel et modulables. L’hybridation spatio-temporelle, annoncée en 1998 par Edmond Couchot au tout début de l’émergence de cet art nommé étrangement technologique (comme si il se réduisait à une question de technicité et de médium) semble fonder les spécificités des relations espaces-temps résolument nouvelles que proposent les dispositifs connectés.

Les expérimentations et innovations actuelles ont l’intérêt primordial d’être présents dans tous les domaines de la société permettant d’acquérir des quantités impressionnantes de données, de manipuler des informations instantanément, une manière de s’emparer du monde à 360°, d’agir au coeur de la matière et de voyager dans des univers jusqu’alors inaccessibles et inconcevables.

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Dans le même temps, nous nous heurtons à plusieurs phénomènes : le premier est d’abord une non appropriation de ces technologies XR (extended realities XR ou extented reality désigne l’ensemble des environnements combinant le virtuel, le numérique et le matériel généré par des technologies) par les usagers, dont le manque d’intérêt provient du fait de cantonner les fonctions et buts de ces casques immersifs aux jeux vidéos, auréolés en plus, d’une croyance liée à la complexité de la technique. Le deuxième est ce stockage massif de données (comme les débuts de la photographie ou du CD-Rom) dont nous produisons plus facilement des répertoires quantitatifs voire des éléments de surveillance, sans parvenir à scénariser et rendre accessible ces matériaux qualitativement.

Et puis, comme l’écrit très justement Jean Baudrillard, « la simulation part à l’inverse de l’utopie du principe d’équivalence, part de la négation radicale du signe comme valeur, part du signe comme réversion et mise à mort de toute référence. » (Baudrillard, 1981)

Par peur d’un éloignement et bouleversement de nos référents, la réalité virtuelle semble se cantonner justement à hypertrophier nos repères habituels, une hyperréalité pour ne pas nous perdre. Les modélisations se piègent dans les affres de la ressemblance, réduisant les potentiels à un décalquage hyperréaliste du monde. Les espaces proposés renforcent les représentations et « le réel est déjà mort mais ressuscité d’avance. » (Baudrillard, 1981)

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Si les réalités mixtes se destinent principalement aujourd’hui à des usages marketing pour animer nos expériences individuelles et spectaculaires dans les lieux de loisirs ou des magasins, alimentant ainsi la smart surveillance, elles permettent également de réinventer nos habitudes spatiales et corporelles par d’étonnantes et inédites expériences ;

Justement, elles nous intéressent ici dans leurs spécificités spatiales, de leur définition première en 1994, d’être « n’importe quel endroit se situant entre les extrêmes du continuum de virtualité » (Milgram, Kishino, 1994). Comme le précise J.-F. Lucas, « Il y aurait donc, entre l’environnement réel d’un côté et l’environnement virtuel de l’autre, un continuum d’états intermédiaires que ces auteurs englobent sous le terme de réalité mixte. Contrairement aux autres définitions, la réalité mixte ne fait pas référence à un état spécifique ou même à un dispositif précis, mais à un ensemble de possibles.» (Lucas, 2012)

Cet ensemble de possibles qualifie autant l’expérience individuelle que l’hybridation de zones hétérogènes dans un continuum sans fin. Cette dilatation d’espaces-temps ouvre la scission propre à Didi-Huberman où écrit-il agissent les figurabilités, « nous comprenons que le défaut, la déchirure, fonctionne dans le rêve comme le moteur même de quelque chose qui serait entre le désir et la contrainte – le désir contraignant de figurer. Figurer malgré tout donc forcer, donc déchirer. Et, dans ce mouvement contraignant, la déchirure ouvre la figure, à tous les sens que pourra prendre ce verbe. Elle devient comme le principe et l’énergie même – suscités par l’effet de déchirure, à savoir l’absence – du travail de figurabilité. » (Didi-Huberman, 1990).

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Nous interrogerons avec les réalités mixtes, cet entre-espace dans leurs possibilités de rendre visible les fonctionnements des dispositifs, dont la cartographie n’est paradoxalement plus la représentation d’un territoire mais bien le résultat d’une expérience vécue au sein du dispositif.

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Ce que Marc Veyrat nomme eSPACE à la fois lieu hybride et nouveau territoire, un entre-espace constitué d’une infinité d’espaces à réalités mixtes. La particularité de l’eSPACE (au delà de son écriture même qui propose bien un point de scission dans des emboîtements) demeure les stratifications, parce que « la réalité mixte forme un composite spatial fait de l’hybridation d’un espace physique et numérique. L’espace de la réalité mixte n’est pas l’addition d’un espace physique et d’un espace digital, mais le vortex qui naît des flux interactionnels générés par les rencontres entre individus. » (Lucas, 2012).

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En agissant dans le dispositif, les révélations spatio-temporelles, seraient un mélange possible justement entre l’espace comme région d’intimité (du dedans) et les espaces d’hostilités, pour reprendre Gaston Bachelard. L’entre-deux proposerait une appartenance affective aux deux en investissant le sujet. Michel Foucault l’analyse comme espace extérieur et localisable (du dehors) qui ne s’oppose pas mais neutralise les hétérotopies : « Nous sommes à un moment où le monde s’éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau ». (Foucault, 1967)

Ces espaces relationnels seraient ainsi uniquement visibles et expérimentables dans un contexte particulier à réalités mixtes, dont l’oeuvre dévoilerait le fonctionnement et les mises en liens sous forme de cartographies particulières, que nous nommons sensibles parce qu’« il existe pourtant une conjonction de paramètres sociaux, esthétiques, neuroscientifiques et anthropologiques, qui laisse espérer, au contraire, que l’expérience sensorielle au travers des casques de réalité virtuelle sera à même de bouleverser […] la hiérarchie des sens telle qu’elle prédomine dans les civilisations occidentales » (Tsaï, 2016).

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C’est justement sur ces modalités de création et utilisation de données ainsi que sur des propositions scénarisées de mises en relations inédites, que nous souhaitons interroger des espaces et lieux hétérotopiques (des lieux dont le but est de faire communiquer des espaces) et hétérochroniques comme certains espaces publics, des musées, des sites patrimoniaux et ici à Chambéry le Musée (jardin et maison) des Charmettes. Désormais intouchables, certains sites ou espaces publics semblent figés, garant et témoin de leurs histoires (dans tous les sens du terme). Ainsi, les réalités mixtes permettent-elles de questionner, détourner, ouvrir ces lieux protégés, marqués entre temps et espaces.

Parce qu’aujourd’hui si les expériences à réalités mixtes sont proposées par des musées (les japonais TeamLab ou l’immensité des peintures de Vincent Van Gogh au Grand Hall de la Villette à Paris, The Rain Room au County Museum of Art de Los Angeles, l’Infinity Mirror Room de Yayoi Kusama au Victoria Miro Museum de Londres pour ne citer qu’eux, elles demeurent spectaculaires et plus proches de productions de loisirs que de démarche artistique. En effet, “il ne s’agit pas nécessairement de nous proposer une « image » du monde telle que l’artiste le verrait—mieux ou de manière plus sensible—, mais de nous donner peut-être l’occasion effective d’expérimenter cette « vision » du monde qui nous entoure.” (Beaufort, 2007)

Questions

Comment interroger les potentiels d’extension et de mises en application d’expériences de dispositifs hybrides à partir de l’art ? Activant, à elles seules, des cartographies impossibles à obtenir autrement, comment des oeuvres dévoilent de nouvelles perceptions de ces lieux et comment rejouent-elles les rôles des interfaces. Nous défendrons l’hybridation d’espaces-temps visibles sous forme de cartographies sensibles, voire sensorielles non pas comme représentations mathématiques ou quantitatives des mouvements et vagabondages lors de l’expérience, mais au contraire à travers la possibilité de rendre visible des liens, des contenus, des systèmes, des espaces, des données, des formes, l’Autre… créés lors de ces expériences.

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“Nous avons besoin d’une métrique topologique qui envisage une substance sociale du monde dont la trame de base soit capable d’enregistrer les transformations des rapports entre les acteurs. L’expérimentation vise donc à restituer cartographiquement une spatialité sociétale, c’est-à-dire un monde non plus constitué par la terre, les mers, les continents, les États…, mais par des êtres humains, par des collectivités, qui métamorphosent les éléments d’immanence en espace habité”. (Sloterdijk, 2005)

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Alors, ces cartographies ne seront plus désormais la représentation d’un monde mais la révélation d’un fonctionnement, révélant aux usagers en temps réel une tout autre manière de concevoir, anticiper, élaborer ces espaces avec de toutes nouvelles capacités d’appréhension.

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Ainsi, nous souhaiterions aborder ces cartographies sensibles et les rôles des interfaces par 3 axes : comment rendre compte d’une expérience entre lieu physique et dispositifs à réalités mixtes par :

  • valorisation et proposition de nouveaux usages et potentiels des réalités mixtes face à des organisation spatiales et lieux architecturaux difficilement exploitables car protégés, invisibilisés ou au contraire hypermédiatisés
  • importance des scénarisations des données et des rôles de la fiction dans les dispositifs à réalités mixtes
  • nécessité de prendre en compte nos corps en présence et nos réactions émotionnelles où les spectateur.trice.s repensent et accèdent à la compréhension de leur environnement en temps réel en le construisant : d’abord par la modélisation virtuelle d’espaces élaborés à partir de leurs déplacements (du portable à la motion capture en passant par l’hologramme par exemple), ensuite par l’appropriabilité et l’enrichissement des contenus dont seuls des univers virtuels et des technologies inventives donneraient accès.

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Carole Brandon / 2019

DOSSIER & SOUMISSION DE CANDIDATURE

Les articles soumis sont ouverts à toutes les disciplines qui interrogent ces problématiques à partir de l’art.

Votre article sera composé de

  • 35 000 à 40 000 signes en moyenne, mais les travaux plus longs (jusqu’à 25 pages) seront acceptés

et accompagné de :

  • images et credits/droits à l’image
  • notice de l’auteur.e et bibliographie

Il est à envoyer pour le 17 juillet 2020 (minuit heure de Paris) à :

  • Carole Brandon, carole.brandon@univ-smb.fr
  • Marc Veyrat, marc.veyrat@univ-smb.fr

 

COMITÉ SCIENTIFIQUE
  • Carole Brandon (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Marc Veyrat (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Ghislaine Chabert (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Jacques Ibanez-Bueno (Université Savoie Mont-Blanc)
  • Khaldoun Zreik (Université Paris 8)
  • Roberto Barbanti (Université Paris 8)
  • Ghislaine Azémard (Chaire UNESCO / ITEN)
  • Patrizia Laudati (Université Les Hauts de France Valenciennes)
  • Pedro Andrade (Universidade do Minho Braga)
  • Philippe Fuchs (École des Mines Paris)
  • Vincent Ciciliato (Université Jean Monnet Saint-Étienne)
  • Michela Sacchetto (École Supérieure d’Art le 75 Bruxelles)
  • Caroline Bongard (Musées de Chambéry)
  • Laurent Roudil (Cabinet d’Architecture Remind)
Projet i-REAL World

Cet appel est lancé dans le cadre du projet i-REAL World, un projet de réalité mixte, développé par la Société i Matériel qui mélange jeu de plateau et VR.Le projet est composé d’univers 3D. Le prototype du plateau de jeu est couplé à des cartes générées avec Instagram. Il sera à terme couplé à une intelligence artificielle.

i-REAL est intégré à KITCHEN XR, un projet de recherche universitaire et artistique développé par Carole Brandon (Laboratoire LLSETI) qui combine la création d’espaces dédiés aux réalités mixtes, la conception, 
co-production de contenus et la formation universitaire.

Infos

Production