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Dans le cadre des championnats du monde de patinage artistique, la présidente de la Fédération Française des Sports de Glace (FFSG), Nathalie Péchalat, a invité l’artiste Pierre Larauza à exposer sa sculpture « 20 février 1998, Nagano » (une des oeuvres qu’il a produites dans le cadre de sa recherche « Sculptures documentaires »).

La sculpture documentaire « 20 février 1998, Nagano » reconstitue grandeur nature le célèbre saut périlleux arrière de la patineuse artistique française Surya Bonaly lors des Jeux olympiques à Nagano. Exploit qui, depuis, est devenu pour beaucoup l’icône du combat d’une femme, d’une minorité ou d’une différence. A noter que Surya Bonaly sera la marraine des ces prochains Championnats du Monde.

Lors des jeux olympiques de 1998 à Nagano, la patineuse française Surya Bonaly défe les membres du jury en effectuant un salto arrière interdit en compétition. Un mouvement prodigieux qu’elle offre symboliquement au public. Bien qu’en réalité, elle n’enfreint pas le règlement en atterrissant sur une seule jambe, elle sera néanmoins reléguée à la onzième place du programme long. Depuis, aucun sportif, féminin ou masculin n’a réalisé cette fgure extrême en compétition.

Par ailleurs, Surya Bonaly reste la seule personne à avoir accompli un saut périlleux arrière en se réceptionnant sur un seul pied, donnant son patronyme à ce saut : le « Bonaly ». Ce mouvement qui clôturera sa carrière de compétitrice est le geste symbolique d’une athlète noire dans l’un des sports les plus blanc qui soit. Un sport dans lequel elle n’a jamais cessé d’essayer de repousser les limites mais où son style athlétique et sa musculature, marqués par ses origines de gymnaste, n’épousaient pas les canons de beauté en vigueur à l’époque dans le patinage artistique.

Dans la lignée des travaux du français Etienne-Jules Marey ou du photographe britannique Eadweard Muybridge, célèbres pour leurs recherches sur la décomposition du mouvement, la conception de la sculpture 20 février 1998, Nagano a demandé une analyse extrêmement précise du mouvement réalisé par Surya Bonaly. La trajectoire des patins à glace a été décomposée en une série de positions dans l’espace tridimensionnel (et dans le temps) avant d’être matérialisée à nouveau au sein de l’œuvre.

Pierre Larauza

Né en 1976 en France, Pierre Larauza vit et travaille à Bruxelles depuis 2003. Sculpteur, architecte et chorégraphe, il est également chercheur en art (docteur en Art et sciences de l’art – ULB). Son travail artistique a l’ambition de faire se rencontrer l’art et le sport dans une démarche documentaire et ludique.

Pierre Larauza dédie sa vie à l’exploration artistique du mouvement au travers de son travail de sculpture et de ses spectacles et flms de danse présentés dans plus de vingt-cinq pays (au sein de la Compagnie t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, en collaboration avec la danseuse et chorégraphe Emmanuelle Vincent). En plus de ses créations et de ses recherches théoriques, Pierre Larauza est également co-fondateur de Máy xay sinh tố, un laboratoire interdisciplinaire et transculturel basé au Vietnam fondé en 2016 avec les artistes Emmanuelle Vincent et Thy Nguyen Truong Minh, en association avec l’Université des Beaux-Arts de Hô, la Ville de Chi Minh et plus récemment l’école d’art ERG à Bruxelles.

Voir aussi
30 août 1991, Tokyo – Pierre Larauza @ La Nuit Blanche Paris (Fr)
Des mouvements que je n’aurais jamais pu faire – Pierre Larauza ! | Tour à plomb (Be)
Focus t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e – Exposition + événement – Jacques Franck (Be)

Surya Bonaly

Surya Bonaly est une patineuse artistique née le 15 décembre 1973 à Nice (Alpes-Maritimes). Elle a été neuf fois championne de France en solo (de 1989 à 1997) et une fois championne de France en couple en 1989 et a remporter un multitude de prix internationnaux dont huit médailles mondiales (patinage artistique et tumbling confondus).

lire aussi : 20 ans après – 1991 : Surya Bonaly décroche l’or aux Championnats d’Europe de patinage artistique

Sculptures documentaires

Avec cette recherche, l’artiste français développe une oeuvre tridimensionnelle profondément ancrée dans le réel : un processus qu’il qualifie de « sculpture documentaire ». Ce travail critique d’investigation du réel prend la forme de reconstitutions historiques grandeur nature reproduisant la trajectoire de mouvements physiques mass-médiatisés qui l’ont particulièrement marqué : d’un geste sportif culte à une bavure policière raciste. Des mouvements iconiques symboles d’invincibilité, d’inventivité, d’iniquité ou encore d’interdit. Selon un procédé de décomposition du mouvement et un travail d’enquête (rencontre des protagonistes, analyse d’archives…), ses oeuvres figent dans l’espace-temps une seconde emblématique de ces évènements. Qu’il s’agisse d’un mouvement record, d’une invention chorégraphique, d’un mouvement interdit ou d’un mouvement raciste, ces sculptures évoluent au fil des enquêtes menées, transformant les œuvres en processus et, inversement, ces processus en œuvres.

Attaché à la dimension participative pour certaines de ses oeuvres, Pierre Larauza a, par exemple, créé pour la ville de Bruxelles une sculpture urbaine pérenne au croisement de l’art, du sport et du documentaire. Inauguré en septembre 2021 en présence de Mike Powell, ce dispositif permet à tout un chacun de se mesurer à la démesure du record du monde de saut en longueur.

Pierre Larauza est également impliqué dans la recherche universitaire : sa thèse de doctorat en Art et Sciences de l’Art questionne ainsi l’intersection entre la sculpture et une approche documentaire. Au travers de l’hypothèse d’un « récit plastique néo-factuel », il analyse les enjeux esthétiques et critiques d’une telle pratique tridimensionnelle d’investigation du réel.

Pierre Larauza a par ailleurs publié sur l’hybridité spectatorielle de la danse au musée (Geuthner, 2019) ou sur l’approche syncrétique de Cindy Sherman (Koregos, 2020). Intervenant extérieur à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles (modules 2016 et 2018), il s’investit par ailleurs depuis 2016 dans un projet transculturel au Vietnam dont l’ambition est de constituer à long terme une base d’expériences et de réflexions non-ethnocentrées. Dans ce cadre-là, il donne des workshops d’installation et de sculpture à l’Université des beaux-arts de Hô Chi Minh-Ville.

Infos

Production 20 février 1998, Nagano